Les chiens de troupeaux ~ n°2

Le chien de protection, un obstacle aux intrusions

Comme évoqué dans l'épisode 1 des chiens de troupeaux, le chien de protection porte bien son nom. Il est présent H24 et 7/7J au sein du troupeau afin de dissuader le passage de l'intrus, et le cas échéant de défendre le troupeau qu'il considère comme sa famille, jusqu'à repousser l'étranger.

Le patou en bref

Appelé plus communément patou car le mot est originaire de "pastre" qui signifie berger. Jusqu'au 19°siècle, le patou était aussi utilisé pour chasser l'ours grâce à sa carrure imposante. En 1923, la race de montagne des Pyrénées est officiellement reconnue. Aujourd'hui utilisé comme chien de travail, le chien de protection se décline sous 4 grandes races dans les territoires pastoraux.

De gauche à droite, tu peux distinguer le Montagne des Pyrénées très largement utilisé dans les alpages français, le Berger de la Maremme-Abruzzes d'Italie, le Dogue du Tibet et le Berger d'Anatolie de Turquie qui commence à être utilisé en France.
Les 2 autres races sont utilisés dans les alpages des pays voisins voire en Eurasie pour faire face à la même menace.
Ces chiens ont un point commun : ils en imposent par leur simple présence une fois adulte.

Quelque soit la race choisie par l'éleveur, le chien a le même parcours de vie de la naissance à la protection du troupeau.

Mieux comprendre le patou

Rappelons tout d'abord que le chien est le fruit du loup et de l'homme dans le sens où le loup a donné en héritage des comportements et des attitudes, et l'homme y a ajouté son grain de domestication pour donner une sélection de chiens assez primitifs et très à cheval sur la hiérarchie.

A sa naissance, le chiot établit un lien affectif très fort pour sa fratrie, ce qui constituera la meute de protection pour une grosse exploitation agricole. A ses 4 mois, le chiot est introduit avec le troupeau (brebis ou chèvres) et vit avec lui nuit et jour. C'est ainsi qu'il le prend pour sa famille et le défendra corps et âme.
Néanmoins, même s'il est sélectionné pour sa masse corporelle et pour son instinct de défense, il doit répondre à quelques obligations sociales :
- se faire manipuler par le propriétaire pour faciliter les soins, le transport
- connaître tous types de publics afin de mieux appréhender un alpage en zone touristique : enfants, adultes, groupes, chiens...

La colonisation du patou en espace pastoral

Avec l'installation progressive du loup en meute sur l'ensemble des massifs de montagnes et en individuels sur l'ensemble de la France, les services de l'Etat ont mit en œuvre une politique de protection des troupeaux en estive et également à la ferme. Ce dispositif consiste à déployer tout un arsenal de mesures de défenses pour dissuader au maximum les attaques de loup.

En plus de la prise en charge financière des patous tout au long de leur vie, les éleveurs éligibles peuvent bénéficier entre autres de parcs de nuit (filets) et d'une main d'œuvre supplémentaire. Le patou est une mesure phare dans le gardiennage des troupeaux en montagne, en collines ou même autour de l'exploitation agricole. Les expériences autour des attaques ont démontrées qu'il faut tout de même 1 patou pour 200 têtes.
Nous reviendrons éventuellement sur le Plan Loup dans un autre article.

Avec la présence des chiens de protection en pleine nature, la conciliation des usages sur un territoire reste une problématique lorsque les enjeux sont vus différemments.

Le patou est beaucoup décrié dans la problématique du partage de l'espace entre agropastoralisme et tourisme car l'espace naturel est de plus en plus accessibles au public et ce public là répond présent pour l'évasion de sa vie quotidienne. 

Principes de précaution 

En territoire pastoral il est aujourd'hui rare de ne pas cotoyer de chien de protection mis en place pour faire leur boulot : éloigner tout étranger !
Selon son éducation, le chien a parfois du mal à faire le distinguo entre un touriste et un loup ou un chien en laisse (loup domestiqué) et un vrai loup sauvage. C'est donc au visiteur de tout faire pour ne pas déranger le travail du patou et du berger par la même occasion !

Voici 2 cas de figures pour adapter son comportement :
-> Cas 1 : un troupeau à priori sans patou
Je vois un troupeau sur mon cheminement, je le contourne au maximum même si je dois aller dans des éboulis, sans pour autant me mettre en danger.
Je signale ma présence en saluant les brebis, ainsi le berger peut m'entendre ou le patou qui ne sera pas surprit de ma présence.
Avec un chien, je le garde en laisse.

-> Cas 2 : face à face avec un.plusieurs patou.s
Je le salue sans le regarder dans les yeux et je lui parle calmement, je ne lui tourne pas le dos. Je peux m'arrêter afin de lui faire redescendre la pression et montrer que je ne suis pas une menace et continuer à parler calmement avec les amis.
Les incidents sont rares mais la présence de patou et/ou de troupeau est un critère à ne pas minimiser lors de la préparation d'une sortie tout comme le dénivelé, la météo et le nombre de kilomètres.
Avec un chien, il faut lâcher la laisse afin de laisser une interaction naturelle entre les 2 individus. Si le chien est petit ne surtout pas le prendre dans les bras.

-> Pour les phobiques des chiens ou les mauvaises expériences avec chien en laisse :
Une application a été déployée dans la région Auvergne-Rhône-Alpes sur la présence de patou dans les alpages, avec des mises-à-jour régulières : Map Patou.

Et nous dans tout ça ?

Sur l'alpage du Jas de l'Ane, l'éleveur pour lequel nous travaillons ne souhaite pas et ne peut pas éduquer de patou. Donc nous n'en aurons pas.
En effet, pour rappel il est conseillé de prendre 1 patou pour 200 brebis, or nous avons 1500 brebis, ce qui ferait 7 patous, soit une meute. Cela représente beaucoup de travail d'entretien, de contention ainsi que de problèmes avec des visiteurs non/peu sensibilisés pour le berger.

Ces recommandations sont tout de même à garder en tête pour les prochaines sorties en territoires pastoraux !