L’alpage de la Combe d’Olle, haut en couleurs ~ n°1

28/02/2025

Savant mélange entre la sauvagerie du Jas de l'Ane et l'anthropisation de la Combe

Tout d'abord un point sur la situation

Localisation géographique de l'alpage (Atlas routier 2025)
Localisation géographique de l'alpage (Atlas routier 2025)

         A 2 petites heures de route à l'est de Grenoble par la vallée de la Romanche, l'alpage de La Combe d'Olle est situé dans la chaine de Belledonne, à l'extrémité ouest du département de la Savoie. Si vous nous suivez depuis 2024, vous avez compris que nous garderons la montagne voisine du Jas de l'Ane, qui lui se trouve en Isère. Séparant ces 2 départements, la rivière Rieu Claret délimite l'alpage par l'ouest. Pour le reste des limites, il s'agit du lac de Grandmaison par le sud, le ravin du Col du Glandon par l'est, et les Aiguilles d'Argentières par le nord.
Vous n'avez pas tout suivi ? Aidez-vous de la carte IGN !

Précisions géographiques de l'alpage (carte IGN 2024)
Précisions géographiques de l'alpage (carte IGN 2024)

 La configuration de la garde à l'alpage de La Combe, est très différente du Jas de l'Ane avec ses sept quartiers. Pour ici, le pâturage s'articule en deux temps : le quartier du bas – en basse altitude – qui dure de l'emmontagnée à l'héliportage (1 mois) et en fin d'estive (1 mois), sur les abords du lac de Grandmaison et son versant. Les deux mois pleinement estivaux se déroulent dans le quartier du haut – en haute altitude - , autour du lac de la Combe et aux pieds des Argentières.  

Décomposition du calendrier de pâturage
Décomposition du calendrier de pâturage

Généralement les alpages sont articulés autour de ces deux quartiers par rapport à la maturité de l'herbe et l'altitude. En effet, après la fonte de la neige, l'herbe pousse 40 jours pour atteindre sa pleine maturité. En bas de l'alpage se trouve l'herbe de l'année, consommée en début d'estive. Après au moins 40 jours depuis la fonte de la neige sur le quartier du haut, le berger peut faire transhumer son troupeau et y reste jusqu'à l'arrivée des premiers signes de l'automne ou lorsque l'herbe se fait rare. Quand les brebis mangeront de nouveau le quartier du bas, le regain sera là, c'est la repousse de l'herbe. En fin d'estive, elles sont également moins difficiles et ne rechignent plus à manger les « mauvaises » herbes. Pendant ce temps, les premiers flocons arrivent en altitude.

Voici l'exemple de La Lauze où nous avons été berger.e.s remplaçant.e.s en septembre 2024 pour vous schématiser l'articulation du gardiennage en 2 quartiers :

L'alpage de la Lauze
L'alpage de la Lauze

En tiret jaune il s'agit de la délimitation administrative de l'estive avec parfois des crêtes ou des éboulis, les mélanges de troupeau avec les voisins sont donc possibles. Les cercles rouges indiquent les parcs de nuit des brebis pour chaque quartier avec la cabane pour le quartier du haut. En hachure orange, le quartier du bas, et en hachure verte, le quartier du haut.

Pour la petite anecdote, lorsque nous sommes arrivés sur cette montagne, le troupeau était présent depuis fin juin. Le berger a gardé en libre tout l'été, c'est-à-dire qu'il ne surveillait pas les brebis de la journée. Il ne faisait que leur ouvrir le matin et allait les chercher le soir. Donc quand nous avons récupéré le troupeau, la montagne était mangée de partout sans vraiment avoir été raclé. Les brebis se sont nourries de toutes les meilleures pousses de chaque recoin de la montagne. C'est avec plus de difficultés que prévus que nous avons essayé de les faire profiter jusqu'au bout, en variant chaque jour les lieux de pâturage. Cette histoire pour vous démontrer l'importance de respecter l'articulation des secteurs de pâturage pour chaque quartier, d'après les dires de l'éleveur et la logique de la végétation.

Paturage au plateau des 1000 miroirs de La Lauze
Paturage au plateau des 1000 miroirs de La Lauze

          Revenons à l'alpage qui nous intéresse cette année, celui de la Combe d'Olle. Pour ce qui est des équipements pastoraux et à fortiori le confort du berger et du troupeau, il y a sur cet alpage une cabane pastorale dans chaque quartier avec à proximité les parcs de nuit des brebis et du patou. En plus, dans le quartier du bas se trouve un parc de contention, indispensable outil permettant de faciliter le tri des empoussées à l'automne.

Pour les moins téméraires d'entre vous, l'immersion dans le monde pastoral peut donc se faire hors de la zone estivale lors du pâturage dans le quartier du bas. Il suffira simplement de descendre de voiture et d'admirer autour de vous les sommets de montagne, les torrents, les aulnes et résineux, les troupeaux de brebis dans les nombreux alpages que comptent la vallée des Villards. Et qui sait ? Peut-être de rencontrer des berger.e.s.

Pour les plus audacieux ou courageux, la belle saison répond à votre engouement pour le grand air. Le quartier du haut, tout aussi vaste que celui d'en bas, est accessible depuis le parking du Col du Glandon. En suivant le chemin balisé approprié, vous arriverez jusqu'au lac de la Combe et la cabane des berger.e.s .


Et sinon, l'alpage est…

… A proximité immédiate d'une réserve de faune sauvage. Il est donc normal de contempler des ongulés de montagne (bouquetin, chamois), des grands rapaces diurnes (vautour moine, aigle royal, circaète jean-leblanc, gypaète barbu), de nombreux plus petits mammifères (marmotte, renard), ainsi que les autres taxons rattachés à l'univers montagnard (lagopède alpin, grand tétras…).

Ci-contre, un panel de photos provenant de notre bibliothèque personnelle lors de l'estive du Jas de l'Ane : un survol de Gypaète barbu, Oscar un des vieux mâles bouquetins de la réserve, une colonie de Vautours moines et une famille de bouquetins.

Plus l'on s'éloigne des zones morcelées par des ouvrages anthropiques (barrage, route, bâti, sentiers), plus il est aisé d'observer le monde qui nous entoure et ses habitants. Le quartier du haut peut se prêter donc plus facilement à ce jeu que le quartier du bas.

… Fréquenté à la belle saison par des marcheurs empruntant des sentiers balisés pour plusieurs niveaux de randonnées, par des grimpeurs traversant l'alpage pour accéder aux voies d'escalade, par des camping-caristes stationnant au lac, par des motards férus des virages de la route des Alpes, par des conducteurs de supercars en recherche de sensations fortes dans les courbes. Quel que soit votre moyen de découverte de la montagne, lorsque vous êtes en zone pastorale, votre comportement n'est pas sans conséquence. En effet, chaque action effectuée en montagne a plus d'impact qu'en 'plaine' car c'est un espace fragile mis à rude épreuve toute l'année et en particulier l'hiver.

Multiplicité des activités de montagne
Multiplicité des activités de montagne
Cohabitation troupeau - usagers de la route
Cohabitation troupeau - usagers de la route

         Les zones pastorales qui peuplent les montagnes – mais aussi les plaines et les collines – sont des territoires momentanément habités par une tradition millénaire qu'est la transhumance des troupeaux. [Pour plus de détails, allez à l'article n°2 Le Jas de l'Ane, coté troupeau]. Tout un cortège de métiers profite de l'opulence de la montagne, cette herbe qui devient si rare dans les vallées : éleveurs allaitants (à viande) et/ou laitiers, fromagers, coopératives de collecte et de transformation, bergers, techniciens pastoraux… et indirectement les sociétés d'héliportages, les techniciens de constats prédation, les stations de ski, l'hôtellerie de tourisme, et bien d'autres encore.


Visitez avertis, profitez mieux !

          Tous ces métiers, qui pour certains sont saisonniers, essaient chaque année de trouver leur place dans un équilibre parfois mis à rude épreuve par la hausse de la fréquentation des milieux. En effet, pour une cohabitation réussie, chaque visiteur doit respecter une charte de bon sens.

« Une sortie en montagne n'est pas une visite au Jardin des Plantes » aime à dire le Berger face aux comportements irrespectueux, irresponsables ou dangereux de certain.e.s. Il nous semble donc nécessaire de rappeler ce bon sens, pour diminuer les interventions du PGHM qui aurait pu être évités.

Le B.A.BA applicable dans n'importe quel espace naturel est :
-> un équipement adapté : chaussures, tenue, vêtements techniques au cas où car ce dernier arrive sans prévenir !
-> de rester sur les sentiers déjà tracés même si vous emportez la carte IGN, pour ne pas vous perdre ou déranger la faune locale
-> de garder vos chiens en longe et vos enfants à proximité pour parer aux dérangements et aux chutes si vite arrivées ;)

Napo en confiance avec nous
Napo en confiance avec nous

          L'alpage de la Combe d'Olle n'est pas intégré dans une zone de protection, il n'y a donc pas de restriction. Néanmoins, nous aurons Napo, un Montagne des Pyrénées qui fait très bien son travail de protection de troupeau. Tout étranger qu'il soit bipède ou animal, n'est pas toléré au sein des brebis. [Pour en savoir davantage sur le comportement à adopter, lisez les articles sur les chiens de troupeaux]

Dorénavant vous êtes parés à toutes situations, alors venez appliquer ces théories grandeur nature !


Garder La Combe comme si vous y étiez !

           Le couvert végétal de l'alpage de La Combe est plus prononcé qu'au Jas de l'Ane, et sa topographie est également bien moins accidentée grâce à l'influence du Col du Glandon.
La végétation combinée à une topographie variée, qui s'appelle topofaciès dans le jargon pastoral, compose l'alpage.

Les topofaciès grossiers de la Combe d'Olle
Les topofaciès grossiers de la Combe d'Olle

Le pâturage du quartier du bas se fait entre 1700m et 2000m d'altitude, soit entre la rive nord du lac de Grandmaison et dans les pentes du Carrelet. Les abords du lac (1) où ne se trouvent qu'une strate herbacée, est souvent empruntés par les brebis, car c'est ici que les pierres à sel sont présentes. Afin de créer une dynamique de troupeau avec les brebis fraichement arrivées et pour profiter de l'absence des touristes, la partie entre la route départementale et la naissance du lac, est consommée en première.

Ensuite vient le tour du versant des Argentières (2), où l'herbe ne manque pas, exposée sud avec une inclinaison à l'est plus l'on se rapproche du Col du Glandon.

Pour cette deuxième année consécutive, une petite particularité s'ajoute à l'alpage. Un pan de montagne (3) jusqu'à récemment brouté par une trentaine de chèvres tout au plus, permet aujourd'hui de diversifier l'offre alimentaire des brebis. Ce secteur est l'exemple parfait des conséquences de la non-gestion d'un troupeau et de la trop faible pression de pâturage. Nous connaissons ce secteur car nous l'avons traversé une dizaine de fois pour nous rendre à notre dernier quartier l'été dernier. Il est très différent des alentours : présence de résineux, couvert majoritairement de landes composées de callune, de genévrier commun, de rhododendron, de myrtiller sauvage. Lors d'une année humide comme 2024, de nombreux rus et zones humides (3bis) se forment et avec eux, le cortège botanique hygrophile. Lorsque l'on prend de l'altitude, on se heurte très vite aux pierriers et barres rocheuses de la Crête du Pin. Entre cette crête et la rivière, il y a encore de quoi manger (4), et le meilleur. Nous le savons car le Jas de l'Ane se trouve juste de l'autre coté de la rive et les brebis ne s'arrêtent pas aux limites administratives quand c'est si bon !

Le quartier du haut ne se voit pas depuis la route car il se cache derrière un soubresaut de pente et nous avons peu d'informations à son sujet. Autour du lac – de la Combe si vous avez bien suivi -, de l'ancienne cabane pastorale et du Carrelet, s'offrent de beaux plateaux panoramiques (5) pour profiter de la quiétude de la montagne. En contrebas des Aiguilles, les pierriers (6) où poussent avec difficultés les brins d'herbe, font la part belle aux brebis qui les aiment particulièrement. Elles s'étagent et s'éparpillent selon le niveau sportif et l'audace de chacune.


           Avec un troupeau de 1400 brebis, essentiellement des futures mères et quelques mamies, l'alpage de La Combe dure 4 mois pour une surface de 700 Ha. En comparaison, l'estive du Jas de l'Ane qui dure 2 fois moins longtemps, a la même surface et la même taille du cheptel, mais n'offre qu'un couvert végétal herbacé court et épars. De plus, de par la topographie très accidentée de l'estive, il demeure très compliqué pour un non connaisseur de garder cette montagne pleine de soubresauts, de biais et de transhumances de troupeau tout au long de l'été. Montagne certes courte mais très intense.

A contrario, l'estive de La Combe d'Olle, ouvre des possibilités de gardiennage différentes. L'aide bergère pourra expérimenter la garde seule, permettant ainsi une autre organisation du quotidien et dégager des temps de répit pour penser la montagne autrement : repos, artisanat, balades, visite à la bergère voisine... 

La montagne nous tarde, alors en attendant nous replongeons dans nos souvenirs…

N'hésitez pas à cliquer sur les points en-dessous des photos ou sur les flèches

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